Le 20 et 21 mai, je suis allé à Strasbourg pour European Youth Event, apparemment traduit en français comme « Rencontres des jeunes Européens ». 7500 jeunes de toute l’Union européenne se sont réunis au siège du parlement européen pour débattre de toutes sortes de sujets concernant l’Europe.
Je n’y suis pas allé seul : nous étions 26 à représenter l’organisation mondiale des jeunes espérantophones. Notre but était de sensibiliser les participants à la question de la diversité des langues en Europe, qui est essentielle et pourtant assez rarement discutée. Pour ce faire, nous avons organisé plusieurs activités : un jeu de rôle sur la politique linguistique d’un pays imaginaire, deux introductions à l’espéranto et un quiz sur les langues en Europe, dont je me suis chargé. Vous pouvez faire le quiz, mais les questions sont très difficiles (le record est de 17/20, la moyenne était plutôt autour de 12).
Tous les participants avaient aussi la possibilité de participer à quelques activités au sein du parlement européen. J’en ai choisi trois :
- La première était une discussion sur le changement climatique organisée par une association franco-allemande. Je n’ai pas trouvé ça très intéressant, parce que la plupart des participants (dont moi) n’avait pas de connaissances particulièrement approfondies du sujet, et tout le monde était en retard à cause de la comédie sécuritaire à l’entrée : j’ai dû attendre une heure pour pouvoir me faire scanner comme dans les aéroports.
- Un ingénieur anglais travaillant pour l’Agence spatiale européenne a fait une conférence très intéressante sur l’exploration de la Lune.
- Enfin, la dernière activité a eu lieu dans l’hémicycle, là où se réunissent les députés européens : il s’agissait d’un débat sur la crise migratoire.
Le dernier débat a été le plus intéressant. D’abord d’un point de vue linguistique : vingt-quatre cabines d’interprètes se trouvaient tout autour de la salle, mais seule trois ont été utilisées pour ce débat : l’interprétation était disponible en français, anglais et allemand. Alors que le débat a commencé en anglais, un Allemand a pris la parole en allemand : « Le sujet est tellement pointu que je préfère m’exprimer dans ma langue maternelle pour être plus précis. » Puis quand c’était au tour d’une Française de parler : « Le sujet mérite d’être discuté dans toute sa sensibilité », et pour cette raison elle a continué en français. L’intervenante suivante n’a pas eu cette chance : en plaisantant à moitié, elle dit en anglais : « J’aimerais pouvoir parler dans ma langue, le portugais, mais j’ai peur que ce ne soit pas possible. » Il est assez intéressant de remarquer que, alors qu’il paraît que « tout le monde parle anglais », la quasi-totalité de ceux qui en ont eu la possibilité ont choisi de s’exprimer dans leur langue maternelle.
J’admire les interprètes : je sais que traduire peut être difficile, et j’imagine à peine la concentration que demande l’interprétation simultanée. Les interprètes qui traduisaient en français les interventions en allemand ont fait du bon travail. Certains intervenants parlaient vite et le sujet était loin d’être simple. Mais à un moment, une fille a pris la parole et a lu nerveusement et à toute vitesse un texte qu’elle avait préparé en français (les interventions étaient limitées à deux minutes) : je me suis dit « pauvres interprètes », puis à la fin j’ai demandé à des personnes qui avaient écouté l’interprétation en anglais ce qu’ils avaient entendu. Sans surprise, l’interprète avait raté la moitié du discours.
Le contenu du débat était également très intéressant. Le débat était mené par des représentants d’ONG, un politicien allemand (le vice-président du parlement européen, si je me souviens bien), un réfugié syrien et quelques élus locaux de Strasbourg. Les membres du public avaient aussi le droit de prendre la parole. Nous avons utilisé le système avec lequel les députés votent. La question posée était : « L’Union européenne doit-elle accueillir des réfugiés ? » Chacun avait trois choix : pour, contre, sans opinion. Les résultats étaient ensuite affichés sur un écran.
J’ai trouvé ça étrange que la plupart de ceux qui étaient contre étaient assis ensemble… Et peu après l’annonce des résultats, des gens assis tout à droite de la salle se sont mis à scander « On est chez nous ! » Une bonne partie de la salle était stupéfaite. Le débat qui a suivi était assez animé. Le Syrien, assez remonté, leur a dit qu’aucun d’entre eux n’avait choisi sa nationalité. J’ai eu du mal à entendre certaines interventions à cause des applaudissement ou des huées, voire des deux à la fois. Les participants d’extrême droite criaient assez régulièrement et j’ai dû plusieurs fois expliquer ce qui se passait à mes voisins qui ne comprenaient pas le français. Je pensais que l’on dormait dans ces débats, mais en fin de compte c’était beaucoup plus divertissant que ce que j’avais attendu.
Et puis le dernier soir, alors qu’il commençait à se faire tard, j’ai dit : « On devrait rentrer, il n’y aura bientôt plus de bus. » Mais en fait, les transports étaient en grève et il n’y avait plus aucun bus ni tramway depuis quelques heures. Alors j’ai dû faire 5 km à pied en pleine nuit. Les jeunes Européens ont pu ainsi goûter à la culture française. Mais ça ne m’a pas trop gêné, j’aime bien Strasbourg, c’est l’une des plus belles villes que j’ai visitées (plus que Paris, je trouve).
Article sympa!
Intéressant, le passage sur l’intervention des participants dans leur langue maternelle.
Je suis aussi intrigué par le jeu de rôle sur la politique linguistique, ça se trouve quelque part?
Et j’ai eu 18/20 au quiz! 😛 (Bon, d’accord, j’ai dû répondre plus ou moins au hasard à quelques questions… :/) Effectivement, c’est pas facile.
Et moi j’ai eu 19! j’ai raté le 20 par inattention…