Tous les quatre ou cinq ans, je réessaie le cyclotourisme. Cette fois-ci, en août 2022, je suis parti avec ma copine pour un voyage plus ambitieux : deux semaines dans les pays baltes.
Le plan
Le plan était relativement simple : prendre le train jusqu’à Suwałki dans le nord-est de la Pologne (je rappelle que j’habite en Autriche, donc ce n’est pas trop loin), aller à vélo jusqu’à Tallinn, éventuellement en prenant parfois le train ou le car, et rentrer en avion.
Spoiler : nous avons assez bien suivi le plan initial.
Le voyage
Jour -1 : de l’Autriche à la Pologne en train
Après avoir acheté pas mal de matériel dans les semaines précédentes (sacoches de vélo, tente, matelas…), nous étions prêts. Nous nous sommes levés aux aurores avec nos vélos bien chargés pour aller à la gare. Par chance, il y a un train direct de Graz à Katowice qui accepte les vélos. Nous avons ensuite pris un autre train pour Varsovie, et le soir nous sommes arrivés à Białystok. C’était long, mais il n’y a pas eu de problèmes majeurs. Nous avons dormi dans le local de l’association d’espéranto de la ville.
Jour 0 : Białystok, Suwałki
Białystok est la capitale de la Podlachie, région du nord-est de la Pologne. Cette ville est bien connue pour être la ville natale de Ludwik Lejzer Zamenhof, l’auteur du projet qui est devenu l’espéranto. On trouve donc bien sûr de nombreux lieux liés à l’espéranto dans la ville. À part ça, il y a un joli centre, et le parc du palais Branicki.
L’après-midi, nous avons pris le train pour Suwałki, une ville plus petite à une trentaine de kilomètres de la Lituanie. J’ai bien aimé : le centre est agréable, il y avait pas mal de touristes parce que la région est riche en lacs, et nous avons dîné dans un restaurant tatar – il y a une petite minorité de Tatars dans le nord-est de la Pologne et les pays baltes, et ils ont leur propres traditions culinaires.
Nous avons passé la nuit dans une « auberge de jeunesse » (qui était une maison ordinaire) avant de véritablement commencer l’aventure à vélo.
Jour 1 : Puńsk, frontière lituanienne, Kalvarija
La journée a bien commencé : la campagne était belle, légèrement vallonnée, avec quelques lacs, beaucoup de vaches et de cigognes. Les routes étaient en bon état et peu fréquentées. En deux ou trois heures, nous avons atteint Puńsk : cette petite ville est le centre de la communauté lituanienne de Pologne, et nous avons commencé à entendre du lituanien. Comme c’était le 15 août, il y avait une fête pour l’Assomption, avec une kermesse et une procession.
Pour éviter la grande route qui relie Suwałki à Marijampolė, nous sommes passés par les petites routes. Et dès que nous avons passé la frontière lituanienne, nous avons découvert qu’en Lituanie, les petites routes, très souvent, ne sont pas goudronnées. On roule plus lentement, on a peur de crever un pneu à cause des cailloux ou de perdre l’équilibre quand il y a du sable, et on avale un nuage de poussière quand une voiture passe…
Un peu laborieusement, nous sommes arrivés à Kalvarija, petite ville du sud de la Lituanie, où nous avons déjeuné. Nous avons continué sur la route principale pendant quelques kilomètres (c’était plutôt désagréable), puis nous sommes retournés sur des petites routes. En fin d’après-midi, nous sommes arrivés au camping près de Marijampolė, où nous avons pu nous baigner dans un étang.
Jour 2 : Marijampolė, Kazlų Rūda, Kaunas
Marijampolė est une ville du sud de la Lituanie. Nous nous y sommes arrêtés pour le petit déjeuner et pour visiter la ville : il y a quelques églises et une place avec un monument à la nation et la langue lituaniennes.
Nous sommes sortis de la ville en suivant une piste cyclable parallèle à l’autoroute, puis en empruntant une route secondaire. Il a légèrement plu, mais rien de bien gênant. La route s’est avérée plus fréquentée que prévu : après une dizaine de kilomètres, nous avons modifié notre itinéraire. Une superbe piste cyclable nous a menés à Kazlų Rūda, une petite ville avec une usine d’Ikea.
Nous avons ensuite suivi une belle route dans la forêt avec assez peu de circulation, puis des routes moins intéressantes au milieu des champs. Nous sommes enfin arrivés à Garliava, une banlieue de Kaunas où la rue principale est longée par une piste cyclable qui nous a menés à Kaunas sans difficulté.
Nous avons passé la nuit (et la suivante) dans une chambre en plein centre-ville, nous avons juste dû monter les vélos jusqu’au deuxième étage.
Jour 3 : Kaunas
Kaunas est la deuxième plus grande ville de Lituanie. Sa vieille ville est très belle, avec de nombreuses églises, les restes d’une forteresse et le confluent du Niémen et du Néris.
C’était notre jour de repos, mais nous avons quand même pris les vélos l’après-midi pour aller un peu plus loin du centre, et notamment aller voir la basilique de la Résurrection-du-Christ. Elle est en béton et assez moche, mais elle est construite sur une colline et son toit est une terrasse panoramique d’où on a une belle vue de toute la ville.
Jour 4 : Vilkija, Ariogala
Nous avons eu un peu de mal à sortir de Kaunas (une rue était en travaux et certaines grandes rues sont difficiles à traverser), mais après ça, nous avons eu droit à une excellente piste cyclable le long du Niémen pendant une quinzaine de kilomètres, suivie d’une route pas trop fréquentée. Nous avons pris le bac pour traverser le Niémen (j’étais soulagé de voir qu’il existe, parce que j’avais trouvé assez peu d’informations en ligne) et sommes arrivés à Vilkija, une petite ville construite sur une colline (je ne m’attendais pas à de telles pentes en Lituanie).
L’après-midi était moins intéressant – une route de campagne normale, avec un peu de circulation et des petits villages, puis nous avons atteint Ariogala, une autre petite ville où nous avons fait une pause.
Nous avions trouvé un camping possible dans le coin, mais sur place, nous avons dû constater que ça ressemblait plutôt à un endroit pour organiser des événements privés, et nous avons dû continuer notre chemin. Le problème de cette région, c’est que c’est au milieu de nulle part, et donc il n’y a pas de campings ou d’hôtels. Nous avions repéré sur la carte un endroit où potentiellement mettre nos tentes pour la nuit à côté de Betygala, 400 habitants. Je suis quand même allé demander au magasin du village si quelqu’un ne connaissait pas un camping, une pension ou un endroit où poser nos tentes pour la nuit.
Et là, un homme qui parlait à peu près anglais et russe a traduit, la vendeuse a téléphoné à quelqu’un, et finalement une femme qui travaillait à l’église (si j’ai bien compris) est venue nous ouvrir la maison paroissiale. C’était vraiment sympa de leur part, nous avons pu dormir sur des matelas et même prendre une douche alors que nous avions fait une croix sur cette idée.
Jour 5 : Šiluva, Tytuvėnai, Šiauliai
Nous nous sommes levés tôt pour reprendre la route, une route de campagne assez peu fréquentée. Au bout de deux heures, nous avons atteint Šiluva. Cette petite ville est un lieu de pèlerinage catholique (mais elle était étrangement déserte quand nous sommes passés), avec une belle basilique et une grande chapelle. Et une statue de Jean-Paul II parce qu’il est venu ici.
Une piste cyclable qui longeait la route nous a conduits à la ville suivante, Tytuvėnai, connue pour son monastère.
Notre destination suivante était Šiauliai, la quatrième ville de Lituanie, dans le nord du pays. Je redoutais un peu cette partie du trajet, parce qu’entre Tytuvėnai et Šiauliai, il y a 40 km de route pas très intéressante, avec quelques petits villages et pas beaucoup d’ombre. Mais nous y sommes arrivés avec des pauses régulières et beaucoup d’eau, et en fin d’après-midi nous avons atteint Šiauliai, où une chambre nous attendait.
La ville nous a beaucoup plu : il y a une zone piétonne agréable, une cathédrale toute blanche et un lac à deux pas du centre-ville où on peut faire du ski nautique.
Jour 6 : colline des Croix, Joniškis, frontière lettonne
Sortir de Šiauliai était facile : il y a une belle piste cyclable qui longe la grande route qui va à Riga pendant 10 km. Après ces 10 km, une route conduit à l’un des endroits que nous voulions le plus voir de Lituanie, à cause duquel nous sommes passés par Šiauliai plutôt que Panevėžys : la colline des Croix. C’est un monticule avec des croix. Des dizaines de milliers de croix de toutes les tailles, peut-être même des centaines de milliers – personne ne sait exactement, et les pèlerins et visiteurs en ajoutent de nouvelles tous les jours. C’est très impressionnant, et on pourrait passer des heures à explorer les lieux.
Nous sommes restés une heure, puis nous sommes repartis – sur des routes non goudronnées pour éviter la route principale. Nous avons quand même dû faire quelques kilomètres dessus, c’était plutôt désagréable, mais par chance, une piste cyclable commence 10 km avant la ville suivante, Joniškis, où nous avons déjeuné.
Une douzaine de kilomètres plus tard, nous sommes entrés en Lettonie. La borne indiquant la frontière dans un bosquet signifiait aussi que nous avions traversé un pays entier à la force de nos mollets. Une route quasiment déserte nous a conduits à notre hébergement pour la nuit. Par chance, nous avions trouvé sur la carte une pension en rase campagne pile sur notre route et pas trop chère, pas loin d’un village appelé Vilce.
Jour 7 : Jelgava, train jusqu’à Riga
Nous sommes partis sous un ciel nuageux sur des routes non goudronnées, et au bout de deux ou trois heures, nous sommes arrivées à notre première vraie ville lettonne, Jelgava. Nous avons déjeuné au Hesburger (une chaîne de fast food finlandaise présente dans les pays baltes et même plus populaire que McDonald’s – c’était pas super). La ville a un palais et une zone piétonne sympathique au bord du fleuve Lielupe.
Nous avons ensuite pris le train pour Riga. À notre rythme, deux semaines ne suffiraient pas pour toute la distance, et puis notre but n’est pas de nous torturer en pédalant toute la journée – c’était notre quatrième jour de vélo de suite, et le train nous économiserait 50 km.
Nous nous sommes installés pour deux nuits dans une auberge de jeunesse, et nous sommes allés visiter la vieille ville, qui est magnifique.
Jour 8 : Riga
Nous avons pris une deuxième journée de repos à Riga, et c’est le seul jour du voyage où nous n’avons pas touché aux vélos. Nous avons continué la visite de la ville, notamment de l’immense marché central et du musée de l’occupation – pas joyeux mais très intéressant, étant donné que ce qu’on apprend de l’histoire des pays baltes en France se résume à « ils faisaient partie de l’Union soviétique ».
Jour 9 : train jusqu’à Saulkrasti, Salacgrīva
Pour encore gagner 50 km, nous avons pris le train jusqu’à Saulkrasti, petite ville au bord de la mer Baltique, puis nous sommes partis vers le nord.
La côte de la mer Baltique serait un endroit idéal pour construire des pistes cyclables, avec la mer d’un côté et la forêt de l’autre… mais non. Cette section de l’EuroVelo 13 est apparemment toujours en construction. À la place, il faut emprunter l’A1, la principale route qui relie Riga à Tallinn. Comme c’est désagréable et dangereux, nous avons cherché un itinéraire alternatif… qui nous a fait passer une bonne partie de la journée sur des routes non goudronnées avec rien d’intéressant à voir. Nous avons fini par faire 5 km dans la forêt pour éviter la route, et nous sommes arrivés à Salacgrīva, petite ville portuaire, en fin d’après-midi.
Nous avons passé la nuit dans un camping à quelques kilomètres de Salacgrīva, avec un accès à la plage. La mer n’était pas très chaude mais c’était très joli.
Jour 10 : frontière estonienne, Pärnu
Après quelques kilomètres sur la route principale, nous avons pris une route plus petite vers Ainaži, la dernière ville lettonne, et nous avons passé la frontière estonienne.
Là, nous avons découvert la route que nous avions voulu avoir la veille : une belle route dans la forêt près de la mer et avec très peu de circulation. Nous avons même croisé d’autres cyclotouristes. Après une vingtaine de kilomètres nous avons atteint le premier village digne de ce nom, Häädemeeste. Nous nous sommes arrêtés pour manger dans un bistro qui s’est avéré tenu par des Autrichiens et nous avons donc pu commander en allemand. Je ne sais pas si c’est aussi fou que la fois où nous avons mangé dans un établissement tenu par des Polonais au milieu du désert géorgien.
Nous avons ensuite suivi une route un peu plus dans les terres, elle aussi goudronnée et presque déserte. Le ciel était couvert et l’air était lourd ; la météo promettait de la pluie seulement pour le soir, mais nous craignions quand même un orage, donc nous nous sommes dépêchés de faire les 25 km qui nous séparaient du prochain village. Il n’y a pas eu d’orage.
Des pistes cyclables nous ont conduits à Pärnu, une des villes les plus touristiques du pays. Nous avons passé la nuit dans un camping qui était en réalité le jardin d’une dame qui était contente de pratiquer son français avec nous. Nous sommes allés un peu visiter la ville et la plage : quelques personnes se baignaient, mais il ne faisait pas très chaud, ça sentait déjà la fin de la saison.
Jour 11 : campagne estonienne
Autant le dire tout de suite : c’était la pire journée, assez similaire à l’avant-veille. Il y a une grande route nationale qui relie Pärnu à Tallinn, et à part ça, il est difficile de trouver des itinéraires alternatifs (les guides pour cyclotouristes que j’ai trouvés recommandent de suivre la côte, ce qui est un très grand détour). Les quelques kilomètres que nous avons faits sur cette route étaient assez effrayants, et nous avons donc passé la journée à zigzaguer sur des petites routes principalement non goudronnées qui ont significativement rallongé le trajet. Et il n’y avait quasiment rien à voir sur la route, juste quelques petits villages et une petite ville, Pärnu-Jaagupi. J’ai été surpris de voir à quelle point l’Estonie est vide. Elle n’a que 27 habitants par km², soit moins d’un quart de la densité de la France. Et c’est en moyenne : plus d’un tiers de la population habite à Tallinn.
La journée s’est quand même bien terminée : comme les autres pays nordiques, l’Estonie reconnaît le droit d’accès à la nature, et le camping sauvage y est en principe autorisé (avec quelques restrictions raisonnables). Encore mieux : l’office national des forêts estonien met à disposition du public des sites de camping gratuits avec quelques équipements (table de pique-nique, abri, poubelle, toilettes sèches, voire du bois pour le feu à certains endroits). Nous avions repéré un de ces sites sur une carte. En y arrivant, nous avons été soulagés de voir qu’il existe vraiment. Nous y avons donc mis notre tente pour la nuit. Nous avions peur d’être dérangés par des humains ou des animaux, mais personne n’est venu nous gêner.
Jour 12 : car jusqu’à Tallinn, Keila
Nous n’avions pas envie de répéter l’expérience de la veille (jongler entre grande une route dangereuse et des petites routes pourries) et nous avons donc pris la décision d’aller à Tallinn en bus. Par chance, nous étions à quelques kilomètres de Märjamaa, la seule ville du coin, et l’une des principales compagnies de car estoniennes accepte les vélos.
En moins d’une heure, nous sommes arrivés à la gare routière de Tallinn. Nous sommes allés voir un peu la vieille ville et le port.
Nous ne sommes pas restés très longtemps parce que nous avions prévu de visiter la ville le lendemain. Après le déjeuner, nous avons pris le train avec les vélos pour Keila, une ville à une vingtaine de kilomètres de Tallinn. Pourquoi Keila ? J’avais en collègue en Slovaquie qui est parti vivre en Estonie, il habite maintenant à Keila et nous a hébergés pour le week-end.
Keila est une ville très agréable, propre, avec poubelles qui font du bruit quand on leur donne à manger (j’aurais attendu ce genre de choses au Japon) et des équipements sportifs publics. Mais c’est aussi là que nous avons eu l’expérience la plus négative du voyage : alors que nous étions sur une place en centre-ville, un mec un peu bizarre (et sans doute alcoolisé) est venu nous dire quelque chose comme « Alors, on prend des photos ? » Comme d’habitude dans ce genre de cas, nous avons fait semblant de ne comprendre aucune langue et nous sommes partis, et il a commencé à nous insulter en russe. Nous nous sommes éloignés, mais nous avons ensuite remarqué qu’il nous suivait de loin en continuant à brailler, même après avoir tourné au coin d’une rue. Nous nous sommes réfugiés dans un magasin, nous avions décidé d’appeler la police s’il nous attendait à la sortie, mais heureusement, il avait disparu.
Mon pote et sa compagne nous ont assuré qu’ils n’avaient jamais rien vu de tel à Keila. C’était pas de bol parce que l’Estonie est en général un pays très sûr.
Jour 13 : Tallinn
Nous sommes retournés à Tallinn en train, avec les vélos pour les laisser à un magasin de vélos qui allait les démonter et les emballer pour le vol. Nous avons ensuite passé la journée à visiter la ville avec mon pote slovaque. Nous avons beaucoup aimé Tallinn : c’est une ville très belle et moderne (on peut payer par carte partout, et il y a des robots qui livrent de la nourriture). Par contre, j’ai été surpris par les prix des cafés et restaurants : ils seraient normaux dans de nombreuses villes d’Europe de l’Ouest, mais pour un salaire estonien ça doit être raide.
Jour 14 : retour en avion
Le dernier jour, nous sommes retournés au magasin de vélo prendre nos vélos emballés. Heureusement, mon ami slovaque nous a aidés en les apportant en voiture à l’aéroport (je ne sais pas quel taxi aurait accepté des bagages aussi gros). En ce qui concerne le reste des bagages, nous avons pris chacun une sacoche de vélo comme bagage à main, et nous avons mis le reste dans un grand sac qui a voyagé en soute.
Après une escale à Riga, nous sommes arrivés à Vienne le soir. Nous avons remonté les vélos dans l’aéroport. Ça nous a pris une bonne demi-heure, il n’y a que les garde-boues que je n’ai pas réussi à remettre.
Nourriture
Contrairement à mes précédentes expériences de cyclotourisme où j’étais en mode gros radin, nous nous sommes fait plutôt plaisir pendant ce voyage. Nous avons régulièrement mangé au restaurant, pour déjeuner quand il y en avait un sur la route ou pour dîner quand nous étions dans une ville. C’est plus facile, et le but de voyager, c’est aussi de goûter des spécialités locales. Nous avons aussi grignoté beaucoup de biscuits et de barres de céréales, et nous avons fait plusieurs repas à base de pain et de boîtes de thon.
Des trois pays baltes, nous avons préféré la nourriture lituanienne, qui a beaucoup en commun avec la Pologne (en particulier le nord-est). Parmi les plats emblématiques de la Lituanie :
- le bortsch froid (šaltibarščiai, qui existe aussi en Pologne sous le nom de chłodnik et en Lettonie), une soupe délicieuse et rafraîchissante ;
- les didžkukuliai ou cepelinai (« zeppelins », en raison de leur forme), grosses boulettes à base de pomme de terre et farcies à la viande hachée ;
- le šakotis, gâteau à la broche que je n’ai cependant pas goûté pendant ce voyage (mais je connais le sękacz, la version polonaise) ;
- les kibinai, plat de la cuisine karaïme (des Juifs d’Europe de l’Est parlant une langue proche du turc) : des pâtisseries fourrées à la viande hachée, aux champignons ou d’autres choses, faciles à transporter et nourrissantes (deux me suffisent pour un repas).
À Kaunas et Šiauliai, nous avons mangé dans des pâtisseries qui vendent une grande variété de beignets et pâtisseries délicieuses et pas chères – et même des cannelés, pas tout à fait comme à Bordeaux mais bons.
En Lettonie et en Estonie, nous avons eu plus de mal à trouver quelque chose de typique, il semble qu’il n’y a pas vraiment de plat national. Les cuisines sont influencées par les voisins et il y a beaucoup en commun avec la cuisine russe. En Lettonie, nous avons goûté la « soupe au pain » (maizes zupa), un dessert à base de pain de seigle qui ressemble à du pain d’épice liquide. En Estonie, le pain blanc comme en France est assez rare, le pain est généralement noir.
Ces trois pays m’ont même fait apprécier le kvas, boisson faite à partir de pain fermenté que j’avais trouvée pas terrible en Ukraine et en Russie.
Langues
Aucun de nous deux ne parle lituanien, letton ou estonien. Le lituanien et le letton sont des langues baltes, apparentées aux langues slaves mais pas assez pour permettre une quelconque intercompréhension avec par exemple le polonais (même si nous pouvions deviner une partie des ingrédients dans les menus lituaniens). Quand à l’estonien, ça n’a rien à voir, c’est une langue finno-ougrienne proche du finnois.
Comme ces trois pays ont fait partie de l’Union soviétique, beaucoup de gens parlent russe, surtout chez les personnes plus âgées. J’appréhendais un peu les réactions si j’essayais de parler aux gens en russe : les questions de langue et les relations avec la Russie étaient déjà un sujet sensible avant le 24 février. (J’ai d’ailleurs été surpris du niveau de soutien à l’Ukraine dans ces trois pays, surtout en Lituanie où j’ai vu énormément de drapeaux ukrainiens, plus qu’en Pologne.) Finalement, il n’y a eu aucun problème : je disais « bonjour » et « merci » dans les langues locales, et quand il y avait besoin de plus communiquer :
- En Lituanie, je demandais (en lituanien) à l’interlocuteur s’il parlait anglais, et si non, je proposais le russe. Nous avons rencontré peu de gens qui ne parlaient aucune de ces deux langues. La Lituanie m’a l’air d’être le pays le moins russifié des trois : je n’ai quasiment pas vu de russe, alors que dans les deux autres pays les informations pour les touristes étaient souvent traduites en anglais et en russe.
- En Lettonie, j’ai entendu tellement de russe dans les rues et les magasins, surtout à Riga, que je ne demandais même pas avant de parler en russe.
- En Estonie, je demandais et je pouvais généralement me faire comprendre en anglais, même si plusieurs personnes nous ont adressé la parole spontanément en russe en voyant que nous étions étrangers.
Routes, pistes cyclables et conducteurs
Je ne sais pas vraiment lequel de ces trois pays a les meilleures routes, étant donné que nous en avons vu seulement un échantillon limité. Par exemple, le premier jour en Estonie était excellent, le deuxième épouvantable. Globalement, les conditions sont similaires dans les trois pays : il y a beaucoup de routes secondaires non goudronnées. (J’ai quand même envie de dire que c’était pire en Lettonie.)
En ville, les conducteurs sont généralement courtois et s’arrêtent pour laisser passer les piétons et les vélos. Par contre, sur les routes (surtout les grosses), beaucoup s’écartent assez peu en doublant, et quand on roule sur le bas-côté, certains ne prennent même pas la peine de s’écarter. La prochaine fois, il faudra peut-être acheter un écarteur de danger.
Des villes que nous avons visitées, je pense que Tallinn avait les meilleures pistes cyclables. Dans les autres villes, il y en a aussi beaucoup, mais il s’agit souvent de simples trottoirs auxquels on a ajouté un panneau pour autoriser les vélos. Souvent, on ne comprend pas très bien où elles commencent et se terminent, et nous avons pas mal roulé sur les trottoirs sans vraiment savoir si nous avions le droit.
Très souvent, les villes et villages ont une piste cyclable qui longe la rue principale. À Šiauliai, elle commençait dès la limite officielle de la ville, à presque 10 km du centre.
À Riga et Tallinn, il y avait une chose un peu bizarre : les rues à traverser en deux temps, mais où les deux moitiés ne passent pas au vert en même temps. Nous ne sommes pas passés loin d’un accident à Tallinn…
Vélos et bagages
Nous avons eu beaucoup de chance avec les vélos : pas une seule crevaison, même après des dizaines de kilomètres sur des pistes avec du gravier. J’ai eu un seul problème : du jeu entre la fourche et le cadre qui a empiré au cours du voyage, mais que j’ai fait réparer après mon retour.
Pour les bagages, j’ai pris des vieilles sacoches qui ont fait l’affaire. Ma copine a acheté des sacoches de chez Ortlieb – tous les pros du cyclotourisme ont l’air d’avoir des sacoches de cette marque et je comprends pourquoi, elles sont un peu chères mais faciles à installer et étanches. Une erreur courante consiste à prendre trop de bagages, mais je pense que nous n’avons rien pris de vraiment superflu : nous avons utilisé à peu près tout ce que nous avions, sauf l’essentiel de la trousse à pharmacie et les chambres à air de rechange, mais évidemment il faut mieux ne pas s’en passer. Nous avions aussi plus d’eau que nécessaire, mais là aussi, je préfère en avoir trop que pas assez.
Transporter les vélos en train est généralement assez facile, même si ça dépend beaucoup des pays et des trains (il paraît que c’est l’horreur dans le TGV). En Estonie, c’était super, le train était exactement au niveau du quai, alors qu’en Lettonie il fallait monter plus d’un mètre.
Le plus pénible, c’est l’avion. Le prix dépend des compagnies aériennes, mais les conditions sont généralement les mêmes : dégonfler les pneus, enlever la roue avant, le guidon, la selle et les pédales, mettre le tout dans une boîte en carton ou un sac spécial, et se débrouiller pour l’apporter à l’aéroport.
Navigation et technologie
J’ai utilisé ces trois applications pour la navigation :
- Komoot pour planifier l’itinéraire,
- Maps.me pour la navigation sur le terrain (j’importais l’itinéraire généré par Komoot),
- parfois Google Maps, surtout pour chercher des restaurants, des magasins ou des stations-service.
Komoot est une excellente application (payante mais pas trop chère) pour planifier des itinéraires à vélo, et dans l’ensemble nous avons suivi ce qu’il nous proposait. Un avantage est qu’il indique le type de revêtement de la route empruntée, mais j’ai eu quelques surprises : une fois, je pensais devoir rouler sur de la terre et j’ai découvert une piste cyclable goudronnée, mais plusieurs fois, Komoot promettait du goudron alors qu’il n’y en avait pas.
Après mon retour, j’ai compris pourquoi : Komoot utilise les données d’OpenStreetMap, et les informations étaient parfois manquantes. Une piste cyclable était marquée en « route non carrossable », et plusieurs routes étaient classées comme « routes secondaires » sans informations sur le revêtement, ce que Komoot a interprété en « route goudronnée » alors que ce n’était pas le cas. J’ai fait quelques corrections et signalé plusieurs problèmes.
Je remercie aussi l’Union européenne qui a aboli les frais d’itinérance : avec mon abonnement autrichien à 8 € par mois, je pouvais avoir Internet au fin fond de la campagne lettonne ou de la forêt estonienne.
Conclusion
Nous avons fait environ 650 km à vélo au total. Notre jour le plus long jour a été celui de Betygala à Šiauliai (80 km), la plupart du temps nous faisions 70 à 75 km. Ce n’était pas si terrible, mais ça fait mal aux fesses et nous étions fatigués le soir.
Je suis content d’avoir réussi à faire tout cette distance alors que je ne suis pas un grand sportif. Nous avons un peu triché avec le train et le car, mais il n’y a pas de honte. Nous n’étions pas là pour battre un record, et notre temps était limité, donc je préférais passer plus de temps à visiter Riga qu’à slalomer entre les cailloux sur une piste sans intérêt.
Bref, c’était une très bonne expérience. Nous avons vu plein de choses que nous n’aurions jamais vues en voyageant autrement et nous avons le sentiment d’avoir accompli quelque chose. Je pense que voyager à vélo à deux est plus facile : j’aurais difficilement supporté tout seul les longues journées sur des petites routes au milieu de nulle part, et nous étions généralement d’accord sur les choses à visiter, la fréquence des pauses, les distances à parcourir, etc.
Je ne sais pas quand nous ferons un autre voyage à vélo, mais nous en ferons sûrement un et nous sommes tous les deux d’accord : la prochaine fois, une semaine suffira, et de préférence sans avion.
Merci de ce partage. J’ai fait deux voyages à vélo (vae) : le premier en 2021 la côte des Pays-Bas ( 700 km), organisé par un tour-opérateur et le second cette année au Danemark (600km), organisé tout seul.
Les conclusions que j’en tire sont (hors hébergements et alimentation) :
-La ligne droite est ton ennemie.
-Sur komoot, organiser le parcours en fonction des points recommandés par la communauté.
-Une étape de transition se fait en train si possible (sinon, c’est fatigant, deprimant et ch…)
-Des jours « off » dans des villes sympa font partie du voyage
-l’intermodal se prépare à l’avance. La gare la plus évidente n’est pas nécessairement la plus pratique (exemple : monter dans un train à une gare terminus est quand même bien confortable quand on a un barda)
-ne pas se fixer une distance journalière, mais plutôt un « équivalent effort ». L’intermodal, c’est aussi la rando.
Pour ma part, je reste sur deux semaines car cela permet plus de souplesse qu’une seule semaine.
Je planifie pour 2023 500km en Wallonie (un peu moins de la moitié de la superficie de la Belgique) pour un tour des sites UNESCO. Le tout est à un jet de pierre de la maison et mon objectif est de visiter mon pays, mais en expérimentant notamment le camping avec un VAE.