Le Polyglot Gathering vu par un organisateur

Quand j’ai commencé à aller à des festivals d’espéranto, je ne me doutais pas que je me retrouverais parmi les organisateurs d’un congrès mondial. Et quand je suis allé au Polyglot Gathering il y a deux ans et l’année dernière, je ne me doutais pas que je l’organiserais cette année.

Le Polyglot Gathering, rassemblement de polyglottes, est une rencontre de quatre jours qui réunit des amateurs de langues du monde entier. Les journées sont remplies de conférences sur des sujets passionnants, et les soirées par des événements culturels. Les organisateurs des trois précédentes éditions à Berlin voulaient se reposer cette année et on transmis l’organisation de l’événement à une équipe slovaque dont j’ai fait partie.

458 personnes de 52 pays sont donc venues à l’université économique de Bratislava pour ces quelques jours.

Le programme était extrêmement rempli : il y avait la plupart du temps quatre conférences en même temps. J’ai moi-même donné deux conférences. La première, en anglais, était sur les langues slaves, sujet que j’ai choisi parce que j’aime beaucoup ces langues (surtout le slovaque et le russe). J’ai présenté brièvement ce que ces langues ont en commun, puis les spécificités de chaque langue, en demandant aux spectateurs de lire quelques phrases dans ces langues pour que les autres puissent les entendent. J’aurais eu besoin de deux heures pour dire tout ce que je voulais, mais j’ai réussi à terminer à temps – je me suis un peu trop étendu sur le russe et j’ai dû sauter quelques diapos (et encore, j’en avais supprimé quelques unes la veille). C’est allé tellement vite que je n’ai pas eu le temps d’être nerveux. Plusieurs personnes m’ont dit qu’elles avaient apprécié ma présentation.

La deuxième conférence, en français, était intitulée « L’espéranto : une langue vivante ». J’y ai raconté à peu près la même chose que dans l’article que j’ai écrit pour Le Monde des Langues. Là aussi, j’ai eu un peu de mal à finir à temps, et j’ai eu le sentiment que cette présentation était moins réussie que la précédente.

Mon rôle d’organisateur sur place consistait surtout à assister les conférenciers (brancher les projecteurs, leur indiquer combien de temps il reste, etc.), ce qui avait le grand avantage de me permettre d’assister aux conférences que je voulais, notamment :

  • Des introductions à des langues aussi diverses que l’arabe libanais, l’irlandais, le ch’ti, le catalan, le napolitain, l’ukrainien, le k’iche’, le klingon et le nuuchahnulth. Celles sur les langues amérindiennes étaient fascinantes. Celle sur le napolitain m’a beaucoup plus, les deux conférenciers nous ont même fait chanter dans cette langue.
  • Les langues scandinaves – je ne pensais pas que la conférence serait aussi en langues scandinaves. Du coup, j’ai passé plus d’une demi-heure à écouter sans rien comprendre, à part quelques mots isolés en suédois et en norvégien (le danois est le plus incompréhensible des trois).
  • La situation linguistique du Québec et du Canada, par Nicolas, qui a passé la moitié de sa vie en France et l’autre moitié au Québec. J’ai trouvé assez intéressant que son accent soit plus ou moins français ou québécois, selon son interlocuteur.

Cette année, il y a aussi eu une tentative de record slovaque du nombre de langues parlées dans une même pièce (facile à battre, vu que le record précédent était 0). Il fallait dire une courte phrase avec un message concernant les langues. Le français était déjà pris, mais pas l’espéranto, alors je me suis inscrit et j’ai dit « On est autant de personnes qu’on connaît de langues » (proverbe slovaque, je n’ai pas eu d’idée plus originale). Le plus drôle était le Tchèque, qui a sorti : « Bon, je suis devant un grand public et je sais même pas ce que je dois dire, mais bon, c’est la vie. » Vers la fin, les langues étaient de plus en plus délirantes (genre franglais ou pré-espéranto) et beaucoup ont lu un passage dans une langue qu’ils ne parlent pas, mais apparemment ça compte : le record est maintenant établi à 125 langues.

Bien sûr, le programme officiel n’était pas tout : le plus important, c’était les rencontres entre les participants. Il y avait des personnes vraiment étonnantes : un Hongkongais qui apprend le biélorusse, un Américain qui parle parfaitement russe et qui a un niveau élevé en ukrainien et en géorgien, un Malaisien fasciné par les langues amérindiennes, plusieurs étrangers qui parlaient si bien français que je me suis demandé si c’était leur langue maternelle, d’autres étrangers qui parlent slovaque (je ne suis plus unique), et, bien sûr, des gens qui parlent un nombre incroyable de langues. J’ai revu des vieux amis, je m’en suis fait de nouveaux et j’ai pu leur parler dans toutes les langues que je connais (français, anglais, espéranto, russe, slovaque, j’ai aussi baragouiné en allemand, polonais, tchèque et hongrois). J’ai assisté à un spectacle de mentalisme en cinq langues, j’ai été invité dans divers pays, on m’a dit que je ressemblais à Norman qui fait des vidéos, j’ai chanté en polonais et en ukrainien…

J’ai beaucoup apprécié cette rencontre, et la plupart des participants aussi : beaucoup sont venus me remercier et me féliciter de mon travail. J’ai fait le site et le livret avec le programme, sur place j’ai travaillé à l’accueil et aidé avec la technique, mais globalement, d’autres organisateurs ont joué un rôle plus essentiel que moi, ont fait plus de travail et ont eu de plus gros problèmes à résoudre que moi.

Tout n’était pas parfait, bien sûr, et je suis globalement d’accord avec certaines des critiques que j’ai entendues :

  • Il n’y avait pas de logement dans l’université, du coup tout le monde dormait ailleurs en ville et les participants se dispersaient le soir. (Mais essayez un peu de trouver une résidence étudiante pour loger 400 personnes en période où il y a des étudiants dedans.)
  • La plupart des conférences étaient en anglais, ce qui était un peu contre l’esprit d’une rencontre polyglotte. Je suis d’accord, et c’est pour ça qu’une de mes conférences était en français, mais malheureusement, c’est aussi la seule langue comprise de tous les participants et je ne voudrais pas rater une présentation potentiellement intéressante parce qu’elle est dans une langue que je ne parle pas (genre les langues scandinaves…).

Mais ces points négatifs n’ont finalement pas beaucoup d’importance : j’ai passé une excellente semaine et tout le monde avait l’air très content. Je ne peux que recommander de participer au Polyglot Gathering de l’année prochaine.

Un commentaire

  1. C’était encore une experience formidable au Rencontre des Polyglottes. Merci Matthieu pour avoir organisé tellement bien. En quelques mois on aurait les videos sur la chaine de YouTube où l’esprit va continuer.

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